Allemagne : report de la loi pour le stockage souterrain de CO2 à la prochaine législature

Publié le par coteaux.de.jurancon.environnement.over-blog.com

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La proposition de loi concernant le stockage souterrain de CO2 ne sera finalement pas adoptée par le Parlement avant l'automne 2009. Cette loi constitue une condition préalable à l'expérimentation de la nouvelle technique pour le captage et le stockage du CO2 (CCS [1]) et à sa commercialisation ultérieure. Le 24 juin 2009, au Bundestag, le chef du groupe CSU Peter Ramsauer a annoncé son refus de la loi. Le CDU/CSU a ainsi supprimé de l'ordre du jour du Bundestag la proposition de loi du gouvernement. Il est par conséquent peu vraisemblable que le Bundestag établisse les conditions cadres pour les sites de stockage souterrain de CO2 d'ici les prochaines élections législatives.

Deux versions circulent quant aux motifs de la décision de Peter Ramsauer : d'une part la proposition de loi a porté atteinte aux droits des propriétaires fonciers, dans la mesure où elle aurait donné aux groupes énergétiques la permission d'effectuer des recherches dans les sous-sols de terrains, sans prendre en considération les intérêts des propriétaires. D'autre part, la circonscription de Peter Ramsauer, Traunstein-Berchtesgaden (Bavière), constitue, avec la Basse-Saxe et le Schleswig-Holstein, l'un des sites d'Allemagne présentant les meilleures conditions géologiques pour le stockage du CO2, soulevant des protestations publiques structurées et de grande ampleur.

En effet, les projets du groupe énergétique RWE consistant à transporter le CO2 de la centrale Hürth près de Cologne par pipeline vers la Basse-Saxe, et de les y stocker à des milliers de mètres de profondeur dans des aquifères [2], subissent une forte controverse de la part de la population, controverse soutenue par le Parlement du Land de Basse-Saxe lui-même, qui rejette les projets de stockage du CO2 sur son territoire. De la même façon, le Ministre-président de Schleswig-Holstein Peter-Harry Carstensen (CDU) a exigé des "taxes de dépôt" s'élevant à cinq euros par tonne de CO2 stocké, avant de s'opposer franchement à la loi CCS.

Les problèmes soulevés par les protestataires concernent aussi la sûreté du stockage du CO2. En effet, à Kühn par exemple, les mêmes couches souterraines qui devraient accueillir du CO2 ont renfermé du gaz naturel - essentiellement constitué de méthane, pendant des centaines de millions d'années. Cependant, même si ces réservoirs naturels sont naturellement très étanches, l'exploitation de ce gaz abaisse leur pression et met ces terrains en déséquilibre, ceci pouvant induire des fissures et ainsi une perte d'étanchéité. Le CO2 est un gaz non toxique, mais anoxique (mort par manque d'oxygène en cas de trop forte concentration dans l'air), de même que le méthane. Cependant, alors que le méthane est plus léger que l'air et s'évacue rapidement, le CO2 en revanche est plus dense que l'air et tend à s'accumuler dans les endroits confinés.

"Si la loi n'est pas votée, l'Allemagne devra renoncer à cette technologie", selon Hildegard Müller, Directrice de l'association fédérale de l'économie de l'énergie et de l'eau (BDEW, [3]). Les "dommages collatéraux pour l'industrie allemande", et notamment les risques financiers, seraient considérables, car la technologie CCS doit être expérimentée avant d'être mise sur le marché international [4]. Or cela semble impossible sans la loi CCS : en effet, de larges moyens sont mis à disposition par l'Union Européenne pour développer la technique CCS . Cependant, le versement de la somme n'est possible qu'à condition que l'argent soit affecté dans l'année à venir. Or les groupes énergétiques ne peuvent passer des commandes aux exploitants d'installations que s'il existe un cadre juridique pour la technique CCS. La branche insiste donc auprès du gouvernement fédéral pour qu'il appelle l'UE à rallonger les délais concernant
l'affectation des moyens financiers.

Cependant, la recherche urgente d'un moyen de lutter contre le changement climatique ne doit pas conduire à une action précipitée, selon Christian Hey, secrétaire général du comité scientifique allemand pour les questions environnementales (SRU, [5]). En effet la loi CCS présenterait de nombreuses faiblesses [6]. "Il faut considérer la technique CCS en relation avec d'autres options de lutte contre le changement climatique, et notamment les énergies renouvelables", selon Christian Hey.

[1] CCS : Carbon Capture and Storage. Les procédés CCS doivent permettre de séparer le CO2 des gaz résiduels des centrales thermiques et de le stocker durablement dans des couches souterraines de roche poreuse. La loi CCS doit bâtir une base juridique solide pour cette technologie et offrir aux entreprises une sécurité d'investissement.

[2] Aquifères : couches de roches poreuses

[3] BDEW : Bundesverband des Energie- und Wasserwirtschaft

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